«Rivages»

Du 14 janvier au 22 avril 2012 à l’Espace André Graillot

En parcourant les cent trente albums de photographies que Jacques Henri Lartigue a constitués tout au long de sa vie, nous constatons dès les premières années son attirance pour le rivage, cette rencontre extrême de la terre, du ciel et de l’eau. Il fréquente très tôt les plages de Trouville, Biarritz et se rend en famille sur la Côte d’Azur. Il restera fidèle à ces lieux, témoignant d’un attachement définitif aux paysages maritimes au point d’avoir passé plus d’un tiers de sa vie à les parcourir, à les contempler, à en fixer les différentes facettes : l’élégance, les jeux, la douceur de vivre, la tempête.

En 1897, pour la première fois, Lartigue découvre la mer.

 

« Ambleteuse. La mer ! Malgré mes souliers du train, qui me gênent pour courir dans l’eau, je vais vite, vite, voir la plage. Maman appelle ça « le bon air » ; ce n’est pas du tout que de l’air, cette chose qui vous engourdit, qui vous fait rire, qui emporte vos yeux très loin… Je cours, avant qu’on me le défende, pour regarder dans une flaque transparente si je vais pouvoir tout de suite voir une crevette !?!?… Oh, que tout de suite arrive demain matin ! Il fera jour, je n’aurai plus de souliers ! Ça sentira les algues et… et ça m’appartiendra toujours !
Pas la peine de rentrer à Paris : je resterai ici, tout le temps, tout le temps. Et je n’aurai plus besoin d’acheter un gros coquillage pour essayer d’écouter la mer à Paris ». (Mémoires sans Mémoire, Ed. Robert Laffont, Paris 1975)

 

 

En ce début de siècle, les vacances au bord de la mer sont l’apanage d’une classe privilégiée qui transporte avec elle ses tenues vestimentaires et ses coutumes citadines. On voit des femmes flâner sur la plage de Villerville ou sur la promenade en planches d’Etretat, habillées, engoncées même, protégées su soleil et du vent par un chapeau de paille et une ombrelle. Elles sont assises non sur le sable mais bien droites sur une chaise, ne pouvant encore renoncer à tous les signes de la ville, s’abandonner à l’attrait « sauvage » de la nature.

 

Après la Grande Guerre, les loisirs s’élargissent : baignades, promenades en canoë, jeux de ballon, culture physique, pêche à la crevette… Même si les mœurs parisiennes sont encore présentes, faisant de Deauville ou de Biarritz des hauts lieux de l’élégance – la tenue d’été comporte encore un chapeau, des gants et une ombrelle – le maillot de bain fait son apparition sur les plages. On se méfie moins du soleil. On découvre son corps en même temps qu’un autre plaisir de vivre, une jouissance inaccoutumées des bienfaits marins. Ces nouveaux divertissements font la joie de Lartigue et trouvent un écho dans son goût de la liberté et du mouvement. C’est à cette époque qu’il photographie les exploits de son ami Sala dans les vagues de Biarritz ou Maurice Chevalier marchant sur les mains sur la plage de Royan.

 

Il est également fidèle aux villes de la Côte d’Azur qu’il préfère hors saison. Il y photographie les femmes qu’il aime : Bibi à l’Hôtel du Cap d’Antibes, dans le salon de thé situé près de la piscine qui sera baptisée plus tard « Eden Roc » (autochrome 1920) ou Renée appuyée sur une balustrade sous de grands parasols (Eden Roc 1930).
En 1932, il est l’assistant du metteur en scène Alexis Granowsky sur le film « Les Aventures du Roi Pausole ». Il est plus particulièrement chargé de trouver les cent soixante reines du film. Il photographie avec amusement, pendant le tournage, cette foule de jeunes figurantes en maillot de bain.

 

Jacques Henri Lartigue n’est pas seulement le photographe témoin de son époque, tributaire des « saisons » et des rendez-vous balnéaires mondains. Il aime aussi le rivage en hiver, à l’aube et seul : son autoportrait dans les dunes de Merlimont en novembre 1924, le nageur solitaire au petit matin à Hyères en 1929… Certaines de ses images traduisent son penchant pour la méditation. Il photographie aussi la mélancolie des autres : son ami Sala de dos contemplant la mer au Rocher de la Vierge à Biarritz en 1927.
Par gros temps, il est dehors. Pour rien au monde il ne manquerait une tempête. Il fixe les éléments déchaînés à Dieppe en décembre 1928 ou en mars 1934 à Nice devant l’entrée du Negresco Plage.

 

Les photographies présentées dans cette exposition ne sont pas des souvenirs de vacances mais des souvenirs de vie. Elles s’inscrivent dans la démarche habituelle de Lartigue et trouvent leur place dans le journal en images que constituent ses albums.

 

 

 


 

Exposition présentée du 14 janvier au 22 avril 2012

Espace André Graillot

Musée maritime

Chaussée Kennedy

76600 Le Havre

Tél. 02 35 25 37 39

Site de l’Espace André Graillot