Lartigue en Amérique

Le Tout New York parle de moi ! Et à propos de quoi ? De mes photos ! Cela est si inattendu…

En 1962, Lartigue embarque pour la première fois à la destination de l’Amérique ; fasciné, il envisage de s’y installer. Désargentés et libres de leurs temps, Jacques et Florette choisissent un cargo qui les amène à Los Angeles. De là, ils partent découvrir le désert californien et, faute de place sur le bateau du retour, font halte, contre leur gré, à New York.

Sur les conseils de Raymond Grosset, directeur de l’agence Rapho-Guillumette à Paris, ils vont voir Charles Rado, le fondateur de l’agence, installé à New York. Au cours de la conversation, Florette montre un petit album réalisé pendant les longues heures de voyage. Coutumier de ce genre de propositions, Rado s’apprête à regarder poliment des images sans intérêt. Or, à sa stupéfaction, il y discerne une œuvre unique, et propose sur le faite de la faire connaitre. Quelques heures plus tard, ayant fait part de sa « découverte » à ses relations new-yorkaises, il téléphone aux Lartigue pour leur annoncer que les offres pleuvent : Life magazine et Car and Driver proposent un portfolio ; John Szarkowski, jeune directeur de la photographie au Museum of Modern Art de New York, enthousiasmé, programme immédiatement une exposition. Le soir même, Jacques et Florette sont invités chez le fameux directeur artistique de Harper’s Bazaar, Alexey Brodovitch. La réputation de Lartigue a déjà fait le tour de New York et Jacques écrit dans son journal : « Le Tout New-York parle de moi ! Et à propos de quoi ? De mes photos ! Cela est si inattendu… »

Moins d’un an plus tard, en juillet 1963, l’exposition du MoMA New York est inaugurée. Le public, fasciné, découvre les premières photographies de Jacques : les dames du bois de Boulogne, les course d’automobiles des années 1910, les pionniers de l’aviation…

Ces images d’avant 1914 agissent comme un antidote pour les Américains, de plus en plus soumis aux dures lois de l’économie. Ils découvrent un pays en voie de disparition, celui du temps de vivre et de l’insouciance ; ils adoptent avec passion cette enfance idéale. Au même moment, le magazine Life lui consacre un portfolio d’images de la Belle Epoque qui fait le tour du monde. A son grand étonnement, Lartigue le dilettante devient du jour au lendemain l’un des grands noms de la photographie du XXe siècle, lui qui se croyait peintre.